Edito 2019
Isabelle Gattiker
Directrice générale et des programmes
Un monde à la renverse
Nous pouvons facilement citer le début de la Déclaration universelle des droits de l'Homme : « Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Ils sont doués de raison et de conscience»... Et la suite ? Elle est étrangement moins connue : « ils doivent agir les uns envers les autres dans un esprit de fraternité.».
Qui sont ces êtres humains ? C'est nous... mais de quel « nous » s'agit-il ? Un nous lisse, où nous sommes interchangeables ? Par « liberté », faut-il comprendre la liberté du Mâle dominant, bâtie sur l'ignorance, la liberté d'insulter, de menacer, d'arrêter tout ce qui barre mon passage ?
Nous vivons un assaut sans précédent contre tout ce qui nous semblait acquis : nos libertés fondamentales, la liberté d'expression, la protection des artistes et des journalistes, la solidarité, le droit du travail, tout est remis en question. Pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, l'Europe occidentale entre dans l'ère de l'intranquillité.
De cette intranquillité, nous faisons notre force. Il y a une beauté du geste dans le fait d'accepter l'incertitude et la fragilité du monde. Le « nous » que nous défendons est celui d'une société vivante, faite de personnalités uniques, pas forcément d'accord sur tout mais d'accord de vivre ensemble et de s'entraider. Nous présentons des films qui célèbrent l'engagement, le courage, la créativité, la joie, qui défendent la sensibilité et l'intelligence avec panache. À la certitude d'avoir raison, nous préférons le raisonnement, entendu comme un débat ouvert, où l'on cisèle soigneusement ses arguments, où l'on écoute ceux des autres, où l'on accepte aussi de changer d'avis.
Dons un monde qui semble de plus en plus gelé, cette 17ème édition du FIFDH brûle. Elle brûle par son immense ouverture, son questionnement constant, sa réaffirmation des valeurs fondamentales, son sens de l'urgence et sa liberté de ton. Elle brûle du désir des cinéastes, elle brûle de la passion de ces activistes qui partout, font entendre leur voix pour dire haut et fort leur refus d'une situation inacceptable. Elles et ils se lèvent et résistent, proposent, écoutent, encouragent, et recherchent chaque jour à faire percer la lumière. Ces 10 jours sont là pour les faire entendre, les rendre vivant·es. et interroger avec force les résistances artistiques, culturelles et politiques.
Avec dignité, avec fraternité, et pourquoi pas, avec poésie.
Nous vous souhaitons une magnifique édition du Festival !